Ils étaient tout frais émoulus, les vingt-six membres du Rotary Club Strasbourg Est, en cette soirée de remise de charte, dans la belle salle du Holiday Inn, qu'ils avaient de longues heures durant, savamment aménagée et artistiquement décorée. Un cadre splendide, duquel ils étaient légitimement fiers, l'atmosphère sentait bon François Rabelais et François Villon.
Fringants dans leur élégant smoking, le papillon quelque peu gaillard, flanqués de leurs parrains de grande classe, le gouverneur Pierre Schmutz et les présidents des clubs de Strasbourg, ils étaient heureux, enthousiastes, rayonnants.
Les dames étaient superbes, à peine timides, mais émues. Les officiels, eux, étaient au grand complet : maire, préfet, général gouverneur, au milieu d'une kyrielle de directeurs et de présidents de toute sorte. Et bien entendu, un solide entourage de rotariens, les respectables aînés, avec gouverneurs et présidents en nombre.
Le président fondateur venait de fixer les objectifs du nouveau club, multiples et élaborés. Un programme riche, ambitieux, audacieux, que le président Pierre Pflimlin, dans sa réponse allait qualifier de programme pour un gouvernement. L'éloge est ressenti.
Tous unanimes, nous étions prêts à nous embarquer pour une grande et belle aventure : un idéal à notre dimension. Mais notre vaisseau n'était pas le "Narrenschiff" de Sébastien Brant, et pas d'avantage la caravelle de Christophe Colomb, dont on parlait déjà de bientôt célébrer le demi-millénaire.